Aller au contenu

Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et par sa douleur, avait condamné les pies à réparer le mal que l’une d’elles avait inconsciemment fait !

Néanmoins, malgré le courage de l’un et de l’autre, jamais les fiancés ne purent se réunir tout à fait. Le trésor royal ne rendait pas l’or récolté dans l’année. Il le gardait, sans en tenir compte pour l’année suivante. Et tous les ans, la pie ensorcelée réussit toujours à voler et à rendre absolument introuvable la part la plus importante de l’or qu’amassait le mineur. Et son supplice dure encore !

Mais depuis, tous les ans, le septième jour du septième mois, toutes les pies de la terre sont restées aussi condamnées à s’envoler au ciel pour faire de leurs dos un pont par-dessus la voie lactée, et abandonnent les humains pendant les heures de bonheur que la clémence du dieu accorde à la constance des deux amants que sa justice inflexible continue de séparer.

— « Ton conte n’est pas gai, ma fille », dit la reine en regardant avec un sourire contraint le cercle des figures consternées de ses dames d’atours, trap au courant de toute l’histoire intime du ménage royal, pour n’avoir pas compris les allusions que les immunités de sa charge avaient permises à la conteuse. « C’est égal, il te fait honneur, et ce n’est pas ta faute si l’air de Séoul ne dégage, depuis hier, que des vapeurs noires qui oppressent l’esprit et le cœur du malaise avant-coureur d’un malheur. »

Et se dressant pour lancer sa récompense à la récitatrice du « Pont des Oiseaux », la reine allait donner congé à ses dames. Le prince héritier s’était retiré depuis longtemps. Elle regardait par le panneau qu’un domestique avait fait glisser, pour ouvrir la véranda, la première blancheur de l’aube et le profil sinistre des flèches des sapins du parc sur le firmament biême où déjà pâlissaient les étoiles.

Soudain, on entendit, venant du mur Est, tout proche, une série de chutes lourdes ; puis, presque sans intervalle,