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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/119

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La population de Séoul regarda ce défilé de cannibales avec indifférence.

« Affaires de grands ! Pour ne pas pâtir de leurs sottises, « fermons l’œil, l’oreille, la porte et restons à l’écart »>, décidèrent toutes les bonnes têtes.

Et, une fois par hasard, elles firent jurisprudence. Et l’événement prouva leur sagesse.

La justice n’eut pas d’innocents imprudents à se mettre sous la dent, et dut rechercher les coupables. Ses investigations, sur un terrain non encombré, aboutirent vite, et établirent que le crime avait été commis par des soshi.

Or, les soshi sont un des produits spécifiques de la transformation du Japon féodal en Japon à l’européenne. Ce sont, le plus souvent, des rejetons de families Samouraïs, ruinées depuis 1868, et qui n’ont pas su ou pas pu s’adapter aux dures nécessités d’un monde inclément à la noblesse pauvre.

Trop fiers pour manier un outil autre que leurs sabres, trop nombreux pour trouver tous place dans l’armée, ils sont contraints par la misère à des besognes irrégulières, incertaines… Le plus souvent, soit en temps de session parlementaire, soit en temps d’élections, ils se louent en véritables condottieri à quelque ministre, chef de groupe ou simple candidat, et combattent pour leur patron comme jadis pour leur daïmio (seigneur suzerain).

D’autres sont des fruits secs de la vie politique, non réélus à la Diète, ou de la culture universitaire, auxquels la science n’a pas donné le pain quotidien qu’ils en espéraient.

Pour les uns, comme pour les autres, la confusion était aisée entre des convoitises inconscientes ou, dans une certaine mesure, excusables, et les dictées désintéressées d’un idéal de sacrifice à la gloire de l’Empereur et à la grandeur du Japon. Leur pays qui n’avait pas de place pour eux, était évidemment trop petit, et quiconque entravait sa