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pensaient plus aux agitateurs et à leurs promesses d’une vie moins dure et de lendemains moins incertains, si les Tong Haks réussissaient à renverser la dynastie. Privés des meilleurs auxiliaires de leurs recruteurs, les Tong Haks avaient disparu, comme par enchantement, et les ghildes des marchands forains, qui coopèrent en Corée à la police des provinces, tenaient partout leurs assemblées ordinaires, dans quelque champ près des chefs-lieux, sans rencontrer aucune des bandes ou aucun des émissaires de ces soi-disant apôtres de la nouvelle religion du Savoir oriental.

Les paysans ne semblaient même plus prendre garde aux troupes de Japonais espacés de quatre lieues en quatre lieues dans des postes-magasins, de Séoul à Fousan, à Chemoulpo, à Gensan, à Phyông-Yang et à Ouichiou, malgré la haine invétérée qu’ils portent à leurs voisins insulaires.

Le plus grave résultat de la récente guerre, l’expulsion des Chinois du pays, ne se faisait pas sentir aux ruraux coréens, tant la suzeraineté du Fils du Ciel leur avait été légère, et tant leur subordination figurait à sa place au milieu de leurs usages, presque tous empruntés à la « Civilisation illuminée » de la « Fleur du Milieu ».

Cette indifférence ne résultait pas seulement de leur étroite dépendance des accidents climatériques et des vicissitudes des saisons. D’autres influences les avaient façonnés à la routine et à l’apathie.

Les cycles soixantenaires de leur chronologie se succèdent en se répétant, sans une variante. Pour donner l’idée de l’écoulement du temps, il a fallu affecter un nom spécial à chacune des soixante années, sans cela aussi indistinctes l’une de l’autre que les flots d’une rivière.

Presque régulièrement, chaque printemps ramenait, avec la perception de l’impôt, l’explosion d’une révolte, et chaque automne, avec la récolte, une pacification. De