Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/280

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ni le flot éclatant qui s’écoulait devant lui, sous les lumières, il ne vit rien.

Et toute cette assemblée s’évanouit bientôt, peu à peu, sans que la jeune femme apparût.

L’avait-il donc laissée s’enfuir sans la reconnaître !… Non ! c’était impossible. — Un vieux domestique, poudré, couvert de fourrures, se tenait encore dans le vestibule. Sur les boutons de sa livrée noire brillaient les feuilles d’ache d’une couronne ducale.

Tout à coup, au haut de l’escalier solitaire, elle parut ! Seule ! Svelte, sous un manteau de velours et les cheveux cachés par une mantille de dentelle, elle appuyait sa main gantée sur la rampe de marbre. Elle aperçut Félicien debout auprès d’une statue, mais ne sembla pas se préoccuper davantage de sa présence.

Elle descendit paisiblement. Le domestique s’étant approché, elle prononça quelques paroles à voix basse. Le laquais s’inclina et se retira sans plus attendre. L’instant d’après, on entendit le bruit d’une voiture qui s’éloignait. Alors elle sortit. Elle descendit, toujours seule, les marches extérieures du théâtre. Félicien prit à peine le temps de jeter ces mots à son valet de chambre :

— Rentrez seul à l’hôtel.

En un moment, il se trouva sur la place des Italiens, à quelques pas de cette dame ; la foule s’était dissipée, déjà, dans les rues environnantes ; l’écho lointain des voitures s’affaiblissait.

Il faisait une nuit d’octobre, sèche, étoilée.