Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis la base jusqu’au faîte, semble enveloppé de cette brume qui, au pied du crayeux Nébo, couvre la mer Morte.

Et les formes humaines s’effacent sous les statues.



Tout à coup, sur la trame crépusculaire de l’espace, transparaît le Violateur de la Vie, le Visiteur-aux-mains-éteintes !… Il est debout sur l’esplanade devant les Sept-Chandeliers ; il tressaille et flamboie. Ses bras fluides sont chargés de ruissellements d’orage. Ses yeux d’aurores boréales s’abaissent sur la fête ; sa chevelure, que le vent n’ose effleurer, couvre ses épaules surnaturelles, comme le feuillage des saules sur les eaux d’argent, la nuit ; — déjà les dalles se fendent sous la glace des pieds nus du mélancolique Azraël ! — Et, à travers le crêpe de ses six ailes qui tremblent encore sur l’horizon, les astres ne sont plus que des points rouges, des charbons fumant çà et là dans les abîmes.

Instantanément les lambris d’ivoire se ternissent comme sous le poids des siècles.

Les ouvertures des draperies tendues entre les colonnes par les torsades de bronze laissent passer tristement, dans la Salle, un long triangle de clarté.

Le croissant glisse entre les nuées du ciel, illuminant, parmi des groupes confus, la face pâle d’un sophet, étendu dans ses vêtements sacerdotaux.

Par instants, une escarboucle jette sa lueur livide ;