Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/84

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de discerner, par elle-même, la valeur de ce qu’elle entend. Bref, la Claque est, à la Gloire dramatique, ce que les Pleureuses étaient à la Douleur.

Maintenant, c’est le cas de s’écrier, avec le magicien des Mille et une nuits : « Qui veut changer les vieilles lampes pour des neuves ? » Il s’agissait de trouver une machine qui fût à la Claque ce que le chemin de fer est au coche et préservât la Gloire dramatique de ces conditions de versatilités et d’aléas dont elle relève quelquefois. Il s’agissait, — d’abord, de remplacer les côtés imparfaits, éventuels, hasardeux, de la Claque simplement humaine et de les perfectionner par l’absolue certitude du pur Mécanisme ; — ensuite, et c’était, ici, la grosse difficulté ! de découvrir (en l’y réveillant à coup sûr) dans l’âme publique, le sentiment grâce auquel les manifestations de gloire brute de la Machine se trouveraient épousées, sanctionnées et ratifiées comme moralement valables par l’Esprit même de la Majorité. Là, seulement, était le moyen terme.

Encore un coup, cela semblait impossible. Le baron Bottom n’a point reculé devant ce mot (qui devrait être, une bonne fois, rayé du dictionnaire), et désormais, avec sa Machine, l’acteur n’eût-il pas plus de mémoire qu’un linot, l’auteur fût-il l’Hébétude en personne et le spectateur fût-il sourd comme un pot, ce sera un véritable triomphe !

À proprement parler, la Machine, c’est la salle elle-même. Elle y est adaptée. Elle en fait partie constitutive. Elle y est répandue, de telle sorte que toute