Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/227

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Elle en fut d’autant plus consternée qu’au moment où ce silence compta plusieurs semaines, elle se trouvait à l’hospice, officiellement soignée pour un mal abominable, gagné au cours de sa vie joyeuse, et qui la défigurait.

Voici ce qui s’était passé :

Une fois incorporé dans son escadron, Guilhem, fort de son grave amour et sûr de sa fiancée, s’était bientôt fait remarquer comme soldat solide, studieux, exemplaire. Il lui semblait, chaque jour, qu’il gagnait Yvaine et leur bonheur futur. De là, sa conduite irréprochable. Ne vivant que des lettres qu’il recevait de France, et qui lui remplissaient le cœur, Yvaine était là, pour lui ! L’absence la multipliait, sous le beau ciel oriental, et la mélancolie du désir l’y faisait apparaître encore plus charmante, plus délicieuse que dans les champs bretons. La joie, certaine pour lui, de l’avoir pour femme — il l’éprouvait ainsi, d’avance, et chaque jour l’en rapprochait.