Page:Villiers de L'Isle-Adam - Tribulat Bonhomet, 1908.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— qu’il y risquait une botte, puis l’autre, — et qu’il s’avançait, à travers les eaux, avec des précautions inouïes, tellement inouïes qu’à peine osait-il respirer. Tel un mélomane à l’imminence de la cavatine attendue. En sorte que, pour accomplir les vingt pas qui le séparaient de ses chers virtuoses, il mettait généralement de deux heures à deux heures et demie, tant il redoutait d’alarmer la subtile vigilance du veilleur noir.

Le souffle des cieux sans étoiles agitait plaintivement les hauts branchages dans les ténèbres autour de l’étang : — mais Bonhomet, sans se laisser distraire par le mystérieux murmure, avançait toujours insensiblement, et si bien que, vers les trois heures du matin, il se trouvait, invisible, à un demi-pas du cygne noir, sans que celui-ci eût ressenti le moindre indice de cette présence.

Alors, le bon docteur, en souriant dans