Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/107

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la belle jeunesse ! — Voilà la vraie magie ! — Une belle créature, — voilà qui se comprend tout de suite ! sans effort !… Voilà qui est clair !

Il mire le cristal de son verre aux lueurs des flambeaux.

Je croirais volontiers que tout ce sombre voisinage de bois, de torrents, de vallées, renforcé de la solitude, a nourri dans son esprit ces idées absurdes. — Bah ! le mal se guérirait en huit jours, là-bas… et je suis sûr qu’entre mes mains ce jeune homme deviendrait un instrument des plus utiles.

Il se lève et fait les cent pas.

C’est égal : je suis soucieux. — Il n’est pas naturel qu’un garçon, qui n’est certes pas un esprit vulgaire, accepte délibérément l’existence d’ours que mène ici le comte Axël d’Auërsperg ! Tout l’amour des sciences occultes ne légitimerait pas une telle réclusion, un si long, si lointain, si volontaire exil. — Il y a autre chose. — Plus bas et d’un ton singulièrement rêveur, après un coup d’œil taciturne autour de la salle : — Il y a quelque chose, ici.

Réfléchissant, en regardant distraitement des lueurs d’éclairs :

Voici huit longs jours que je passe en ce repaire oublié, crénelé, suranné, dont l’architecture, les alentours et le silence ne sauraient intéresser désormais que de vains idéologues ; certes, je ne m’y fusse pas aussi longtemps ennuyé sans cette confuse et tenace impression d’on ne sait quoi d’in-