Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Tels, donc, ils florissaient, tempêtueux, tonitruants et prospères.

Qu’importait le marasme où leur bon plaisir plongeait l’Île ! N’étaient-ils pas libres, après tout, de dire, eux aussi… ce qui leur démangeait la langue ? En bonne justice, nul, au nom d’aucune loi dûment égalitaire, n’eût su le leur contester. De sorte que tout le reste des bêtes naïves de ce séjour dépérissait. Réduites, en effet, à ne sortir que de nuit pour vaquer à leur nourriture, pendant le sommeil des despotiques oiseaux, elles devenaient d’une anémie croissante : car manger tard ne profite guère, et rien n’est mauvais comme de faire de la nuit le jour.

Au résumé, toutefois, les perroquets, — dont on ne doit pas oublier la relative inconscience foncière, — n’étaient que fort peu coupables des résultats moroses que causait, autour d’eux, leur passe-temps favori. Car, ce n’était pas exprès qu’ils avaient choisi ce bruit-là ! L’apogée où des circonstances les avaient portés — et qu’ils occupaient pour ainsi dire mordicus, — les rendait maubénins… d’emblée ! — Involontaires porphyrogénètes, ils répétaient, gravement, d’une voix forte, ce que leur position élevée leur conférait d’entendre. Encore étaient-ils plutôt juchés qu’élevés. Placés à hauteur convenable et selon l’éparpillement normal, ne sont-ce pas de fort intéressants volatiles, dont le plumage, surtout, par ses chatoiements, est fait pour séduire ?… Par un chaotique hasard, ceux-ci n’étaient pas, comme on dit, à leur place,