Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/156

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qu’à devenir intolérable. Une contrariante sensation de ridicule finissait par se dégager, autour de lui, du guindé de sa désolation vaniteuse.

Il tenait bon, cependant et, bien que l’émotion lui fît vaciller les jambes, il avait, à différentes reprises, pendant le trajet, refusé d’un : « Non ! laissez-moi ! » presque impatient, le secours affectueux, venu s’offrir. — Or, à présent, l’on approchait… et, en l’observant, les invités de l’avant-garde commençaient à redouter que certains détails suprêmes, tout à l’heure, — par exemple, le bruissement particulier de la première pelletée de terre et de pierre tombant sur le bois du cercueil, — ne l’impressionnassent d’une manière dangereuse. Déjà l’on apercevait, là-bas, de longues formes de caveaux, des silhouettes… On était dans l’inquiétude.

Tout à coup sortit de son rang processionnel un adolescent d’une vingtaine d’années. Vêtu d’un deuil élégant, il s’avança, tenant un bouquet de roses-feu, cerclé d’immortelles. Ses cheveux dorés, sa figure gracieuse, ses yeux en larmes prévenaient en sa faveur. Dépassant le président honoraire des Innovateurs-à-outrance, il s’avança, n’étant sans doute plus maître de sa douleur, jusqu’auprès du char fleuri. Son bouquet une fois inséré parmi les autres, — mais juste au chevet présumable de la trépassée, — il saisit le brancard d’une main s’y appuyant, tandis qu’un sanglot lui secouait la poitrine.

La stupeur de voir l’intensité de sa propre peine