Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/196

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femmes s’étouffant en une panique vertigineuse, — rappelant (et avec quels grandissements) par exemple les effroyables sinistres des théâtres de Nice, d’Exeter et de notre Opéra-Comique, voici que toutes ces explosions et que tous ces cris de carnage, enfin, parviennent jusqu’aux deux tueurs.

La brume s’est comme rougie là-bas ! Et, dans la même minute, les cinq autres flèches sont envoyées. Et les réponses environnantes se renouvellent, mêlées à des bruits d’écroulements, au fracas des poudrières, aux lueurs pourpres qui brûlent au loin. La capitale, dominant de son innombrable clameur le roulis des voitures et les sifflets des trains en partance, est devenue, en un quart d’heure presque pareille à Sodome sous le feu du Ciel. De subits charniers s’entassent. Puis, brusquement, plus rien : nul bruit, excepté celui des cris poussés par des milliers de victimes, celles qui survivent.

« — Nous recommencerons indéfiniment, ne voulant pas plus d’oppresseurs que de défenseurs désormais ! murmure alors l’envoyé de l’Internationale, tout en vissant la pomme et le bout de sa « canne » refermée. Il ne reste aucune trace, ici, de la besogne. — Voici un peu d’or : au revoir, et — à bientôt. Vite, couchez-vous. »

Les deux complices, en échangeant, sans doute, deux graves regards, se serrent la main. L’inconnu descend en grande hâte l’escalier. S’il rencontre quelqu’un devant le portail ou dans les environs il ne manque pas de s’écrier, de l’air d’un passant effaré qui regagne son logis :