Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/202

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de la terre que l’effort seul qu’elle nécessite pour s’en détacher.

Si donc il est vrai qu’un tel amour ne puisse être exprimé que par qui l’éprouve, et puisque l’aveu, l’analyse ou l’exemple n’en sauraient être qu’auxiliateurs et salubres, celui-là même qui écrit ces lignes, favorisé qu’il fût de ce sentiment d’en haut, n’en doit-il pas la fraternelle confidence à tous ceux qui portent, dans l’âme, un exil ?

En vérité, ma conscience ne pouvant se défendre de le croire, voici, en toute simplicité, par quels chaînons de circonstances, de futiles hasards mondains, cette sublime aventure m’arriva.

Ce fut grâce à la parfaite courtoisie de M. le duc de Marmier que je me trouvai, par ce beau soir de printemps de l’année 1868, à cette fête donnée à l’hôtel des Affaires étrangères.

Le duc était allié à la maison de M. le marquis de Moustiers, alors aux Affaires. Or, la surveille, à table, chez l’un de nos amis, j’avais manifesté le désir de contempler, par occasion, le monde impérial, et M. de Marmier avait poussé l’urbanité jusqu’à me venir prendre chez moi, rue Royale, pour me conduire à cette fête, où nous entrâmes sur les dix heures et demie.

Après les présentations d’usage, je quittai mon aimable introducteur et m’orientai.

Le coup d’œil du bal était éclatant ; les cristaux des lustres lourds flambaient sur des fronts et des sourires officiels ; les toilettes fastueuses jetaient des parfums ; de la neige vivante palpitait aux bords tout en fleur