Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/203

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des corsages ; le satiné des épaules, que des diamants mouillaient de lueurs, miroitait.

Dans le salon principal, où se formaient des quadrilles, des habits noirs, sommés de visages célèbres, montraient à demi, sous un parement, l’éclair d’une plaque aux rayons d’or neuf. Des jeunes filles, assises, en toilette de mousseline aux traînes enguirlandées, attendaient, le carnet au bout des gants, l’instant d’une contredanse. Ici, des attachés d’ambassade, aux boutonnières surchargées d’ordres en pierreries, passaient ; là, des officiers généraux, cravatés de moire rouge et la croix de commandeur en sautoir, complimentaient à voix basse d’aristocratiques beautés de la cour. Le triomphe se lisait dans les yeux de ces élus de l’inconstante Fortune.

Dans les salons voisins devisaient des groupes diplomatiques, parmi lesquels on distinguait un camail de pourpre. Des étrangères marchaient, attentives, l’éventail aux lèvres, aux bras de « conseillers » de chancelleries ; ici, les regards glissaient avec le froid de la pierre. Un vague souci semblait d’ordonnance sur tous les fronts. — En résumé, la fête me paraissait un bal de fantômes, et je m’imaginais que, d’un moment à l’autre, l’invisible montreur de ces ombres magiques allait s’écrier fantastiquement dans la coulisse, le sacramentel : « Disparaissez ! »

Avec l’indolence ennuyée qu’impose l’étiquette, je traversai donc cette pièce encore et parvins en un