Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/227

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M. Hendreich venait d’être requis d’avoir à prendre livraison du condamné le 9 au matin à cinq heures.

— Soudain un bruit de crosses de fusils sonna sur le dallage du couloir ; la serrure grinça lourdement ; la porte s’ouvrit ; les baïonnettes brillèrent dans la pénombre ; le directeur de la Roquette, M. Beauquesne, parut sur le seuil, accompagné d’un visiteur.

M. de La Pommerais, ayant relevé la tête, reconnut, d’un coup d’œil, en ce visiteur, l’illustre chirurgien Armand Velpeau.

Sur un signe de qui de droit, le gardien sortit. M. Beauquesne, après une muette présentation, s’étant retiré lui-même, les deux collègues se trouvèrent seuls, tout à coup, debout en face l’un de l’autre et les yeux sur les yeux.

La Pommerais, en silence, indiqua au docteur sa propre chaise, puis alla s’asseoir sur cette couchette dont les dormeurs, pour la plupart, sont bientôt réveillés de la vie en un sursaut. — Comme on y voyait mal, le grand clinicien se rapprocha du… malade, pour l’observer mieux et pouvoir causer à voix basse.


Velpeau, cette année-là, entrait dans la soixantaine. À l’apogée de son renom, héritier du fauteuil de Larrey à l’Institut, premier professeur de clinique chirurgicale de Paris, et, par ses ouvrages, tous d’une rigueur de déduction si nette et si vive, l’une des lumières de la science pathologique actuelle, l’émérite