Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/283

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 chatoyait et passait par toutes les nuances de l’arc-en-ciel : sa trompe — pareille au pavillon bariolé d’une nation inconnue, durant une accalmie, — pendait, immobile, contre le long du mât peinturluré d’une de ses jambes immenses — si bien que, dans un saisissement, le directeur émerveillé s’écria :

— Oh ! laissez-le ! de grâce ! n’y touchez plus ! Quel monstre fabuleux ! c’est l’éléphant-caméléon ! certes, on viendra des bouts de l’univers pour voir cette bête des Mille et une Nuits. — Positivement, jamais, non jamais, sur la surface planétaire que nous occupons, on n’a salué pareil être avant ce beau jour ! — du moins, j’inclinerais fortement à le croire.

— En vérité, monsieur, c’est possible ! répondit lord W en lorgnant aussi l’extraordinaire vision : mais, — aux termes du traité, M. Mayëris doit me le livrer blanc et non point versicolore. Le blanc, seul, constitue le valeur morale dont j’offre cent mille livres. Qu’il lui restitue donc sa couleur primitive ou je ne prierai pas. Mais… comment, désormais, prouver qu’un tel épouvantail est un éléphant blanc !


Ce disant, lord W, remettant son chapeau, s’éloigna, comme se refusant à toute discussion.

Mayëris et ses bas-de-cuirs considéraient en silence le désolant animal qui ne voulait pas blanchir ; soudain, le dompteur se frappa le front

— Monsieur le directeur, demanda-t-il, de quel sexe