Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/338

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le passé, se sentant digne de l’avenir.

Le Grand-duc, seul, en redingote moderne, aimé comme un ami, vénéré de tous, se promenait au milieu des groupes. Signe particulier : on le saluait en souriant.

Le matin, j’avais visité la Wartburg. J’avais contemplé, à mon tour, cette tache noire que l’encrier de Martin Luther laissa sur la muraille, en s’y brisant, alors qu’un soir le digne réformateur, croyant entrevoir le Diable en face de la table où il écrivait, lui jeta ledit encrier aux cornes ! J’avais vu le couloir où sainte Elisabeth accomplit le miracle des roses, — la salle du Landgrave où les minnesingers Walter de la Vogelwelde et Wolfram d’Eischenbach furent vaincus par le chant du chevalier de Vénus.

La fête continuait donc l’impression des siècles, évoquée par la Wartburg.

Le Grand-duc, m’ayant aperçu dans le vallon, vint à moi par un mouvement de courtoisie charmante.

Pendant que nous causions, il salua de la main une très vieille femme qui passait, joyeuse, entre deux beaux étudiants ; ceux-ci, tête nue, lui donnaient le bras.

— C’est, me dit-il, l’artiste qui a créé la Marguerite du Faust, en Allemagne. Elle sera demain centenaire.

Quelques instants après, il reprit, avec un sourire :

— Dites-moi, n’avez-vous pas remarqué, ce matin, à la Wartburg,