Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tant d’inespérées et pures ivresses, le contre-coup de cette effusion enchantée, l’intime choc de ce fulgurant baiser, que tous deux croyaient à jamais irréalisable, les avaient emportés, d’un seul coup d’aile, hors de cette vie dans le ciel de leur propre songe. Et, certes, le supplice eût été, pour eux, de survivre à cet instant non pareil !

Akëdysséril considérait, en silence, l’œuvre merveilleuse du Grand-prêtre de Sivâ.

— « Penses-tu que si les Dêvas te conféraient le pouvoir de les éveiller, ces délivrés daigneraient accepter encore la Vie ? dit l’impénétrable fakir d’un accent dont l’ironie austère triomphait : — vois, reine, te voici leur envieuse ! »

Elle ne répondit pas : une émotion sublime voilait ses yeux. Elle admirait, se joignant les mains sur une épaule, l’accomplissement de son rêve inouï.

Soudainement, un immense murmure, la rugissante houle d’une multitude, et de longs bruissements d’armes, troublant sa contemplation, se firent entendre de l’extérieur du temple — dont les portails roulèrent, lourdement, sur les dalles intérieures.

Sur le seuil, n’osant entrer en apercevant la reine de Bénarès éclairée encore, au fond du temple, par les flammes du sanctuaire et qui s’était détournée, —