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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/399

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était venue les surprendre effleurant leurs êtres de son ombre. Ils s’étaient évanouis, perdus en elle, insolitement, laissant la dualité de leurs essences en fusion s’abîmer en cet unique instant d’un amour — que nul autre couple vivant n’aura connu jamais.

Et ces deux mystiques statues incarnaient ainsi le rêve d’une volupté seulement accessible à des cœurs immortels.

La juvénile beauté de Sedjnour, en sa blancheur rayonnante, semblait défier les ténèbres. Il tenait, ployé entre ses bras, l’être de son être, l’âme de son désir ; — et celle-ci, dont la blanche tête était renversée sur le mouvement d’un bras jeté à l’entour du cou de son bien-aimé, paraissait endormie en un éperdu ravissement. L’auguste main de Yelka retombait sur le front de Sedjnour : ses beaux cheveux, brunissants, déroulaient sur elle et sur lui leurs noires ondes, et ses lèvres, entr’ouvertes vers les siennes, lui offraient, en un premier baiser, la candeur de son dernier soupir. — Elle avait voulu, sans doute, attirer, dans un doux effort, la bouche de son amant vers la fleur de ses lèvres, lui faisant ainsi subir, en même temps, le subtil et cher parfum de son sein virginal qu’elle pressait encore contre cette poitrine adorée !… Et c’était au moment même où toutes les défaillances, où tous les adieux, toutes les tortures d’âme s’effaçaient à peine sous le mutuel transport de leur soudaine union !…

Oui, la résurrection, trop subitement délicieuse, de