Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à peu près, de même taille, paraît-il : — et il avait mon embonpoint.

« C’est encore solide, c’est bien établi. Oh ! quelles furent, quelles durent être, veux-je dire, ses suprêmes pensées, une fois couché sur cette planche !… En trois secondes, il a dû réfléchir à… des siècles !

« Voyons ! M. Sanson n’est pas là : si je m’étendais — rien qu’un peu — pour savoir… pour tâcher d’éprouver… moralement…

Ce disant, le digne M. Redoux, prenant une expression résignée, quasi-sublime, s’inclina, doucement d’abord, puis, peu à peu, se coucha sur la bascule invitante : si bien qu’il pouvait contempler l’orbe distendu des deux croissants concaves, largement entrebâillés, du carcan.

— Là ! restons là ! dit-il, et méditons. Quelles angoisses il dut ressentir !

Et il s’épongeait les yeux, de son mouchoir.

La planche formait rallonge, sur un plan incliné vers les montants. Redoux, pour s’y installer plus commodément, fit un léger haut-le-corps qui amena, glissante, cette planche, jusqu’au bord du carcan. De telle sorte que, ce hasard le favorisant encore, l’ancien maire se trouva, tout doucement, le col appuyé sur la demi-lune inférieure.

— Oui ! pauvre roi, je te comprends et je gémis ! grommelait le bon M. Redoux. Et il m’est consolant de songer qu’une fois ici tu ne souffris plus longtemps !