Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/63

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À ce mot, et comme il faisait un mouvement pour se relever, il entendit, à son oreille droite, un bruit sec et léger. Grrick ! C’était la demi-lune supérieure qui, secouée par l’agitation du contribuable, était venue, glissante aussi, s’emboîter sans doute en son ressort, emprisonnant, par ainsi, la tête de l’ex-fonctionnaire.

L’honorable M. Redoux, à cette sensation, se mut, à tort et à travers ; mais en vain : la chose avait fait souricière. Ses mains tâtaient les montants, — mais, où trouver le secret pour se libérer ?

Chose singulière, ce petit incident le dégrisa, tout à coup. Puis, sans transition, sa face devint couleur de plâtre et son sang parcourut ses artères avec une horrible rapidité ; ses yeux, à la fois éperdus et ternes, roulaient, comme sous l’action d’un vertige et d’une horreur folle ; agité d’un tremblement, son corps glacé se raidissait ; les dents claquaient. En effet, troublé par sa lourde attaque de phantasmomanie, il s’était persuadé que, M. Sanson n’étant pas là, nul danger n’était à craindre. Et voici qu’il venait de songer qu’à sept pieds au-dessus de son faux-col et enchâssé en un poids de cent livres était suspendu le couteau ; que le bois était rongé des vers, que les ressorts étaient rouillés, et qu’en palpant ainsi, au hasard, il s’exposait à toucher le boulon qui fait tomber la chose !

Alors — sa tête s’en irait rouler aux pieds de cire de tous les fantômes qui, maintenant, lui semblaient une sorte d’assistance approbatrice ;