Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/109

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fait que, tout en reconnaissant à demi l’évidence du progrès[1], tout en nous laissant aller quelquefois

  1. Si l’on voulait analyser attentivement chaque branche scientifique du progrès, l’idée de son importance et son aspect général se modifieraient peut-être beaucoup dans les esprits, et même dans les esprits de ses plus déterminés partisans. Sans établir une théorie de compensations (laquelle, d’ailleurs, ne saurait jamais être rigoureusement exacte, car pour connaître une époque, il faudrait n’être que de cette époque), il serait facile, en s’en tenant à son siècle, de trouver des contradictions dans la plupart des découvertes qu’il présente. Soit une science : prenons celle qui lutte contre la souffrance physique et contre la mort, et qui souvent sursoit l’une et l’autre, — la médecine.

    Il est certain que dans les temps modernes les découvertes physiologiques prennent, à l’insu du vulgaire, des proportions inattendues et capables, au plus haut point, de surprendre l’intérêt des penseurs. Jamais la précision dans l’art de guérir ne fut mieux obtenue et ne fut plus généralisée, et personne n’ignore que nos pharmacies sont richement dotées de tout ce qui peut alléger le fardeau de nos maladies.

    En résultat, l’on affirme que la durée de la vie moyenne augmente dans plusieurs pays et l’on va jusqu’à fournir des chiffres de cinq, six et sept années…

    Cependant, ce principe étant posé que les statisticiens ne peuvent offrir de chiffres exacts que depuis un siècle, sur quelle base solide ou même acceptable peut se fonder une certitude quelconque de cette hausse apparente d’existence, — surtout lorsqu’on mentionne des intervalles d’oscillations durant ce siècle ?… — Comment concilier ces chiffres avec les totaux obtenus par les statistiques de la misère en Europe, totaux dont la progression annuelle s’élève d’une manière sensible ? — Comment, enfin, accorder cette amélioration de la durée moyenne de l’existence, dans nos pays, avec les immenses quantités d’alcools, de boissons et d’aliments falsifiés,