Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/224

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sorte que, en croyant me posséder, il ne me touchera même pas réellement.

Ainsi est la loi des êtres dont le regard mental ne dépasse pas la sphère des possibilités, des formes et des espérances ; ils ne peuvent sortir d’eux-mêmes dans leurs amours mystérieux.

Effacer ce rapport de manière à ce que nous puissions nous joindre tels que nous sommes, dans l’Esprit, voilà quelle est la solution de la première face du problème.

Pour cela, je dois devenir réellement sa vision ; il aimera mon reflet ; il faudra que j’anime ce reflet en m’y réalisant impersonnellement, en brisant les barreaux de sa prison, en remplissant de nouveau son sablier avec le mien. Je dois être morte pour lui d’abord, et me survivre selon lui.

Si j’essayais de lui dévoiler la vérité, je passerais parallèlement à côté de lui à jamais, parce que cette vérité, modifiée à l’instant par son esprit, ne serait plus ce qu’elle doit être. Il ne la comprendrait que selon tel cercle, et alors il aurait raison de ne pas l’aimer. Elle l’attristerait, parce qu’elle ne lui paraîtrait pas en rapport avec la