Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/61

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grandes difficultés à éviter les insignifiantes dissipations de paroles et les diffusions de soi-même que le contact d’autrui ne manque jamais d’entraîner.

« Grâce au miraculeux équilibre de presque toutes les sociétés d’Occident, équilibre combiné sur la résultante d’un nombre égal de forces organisantes et de forces contraires, le mouvement de chacun, depuis le mendiant jusqu’au prince et depuis le berceau jusqu’à la tombe peut demeurer prévu, défini et réglé par les différents codes européens. Une pareille réflexion suffirait pour démontrer l’impossibilité d’un isolement durable dans n’importe quelle ville d’Europe. Il faut vivre avec ses semblables ; et cette immense loi, comme un filet de rétiaire, s’enroule autour des personnes précisément en raison des efforts tentés par elles pour s’en dégager. Nul ne peut s’abstraire de cette liaison infinie. Elle va jusqu’à rendre les individus solidaires, à leur insu, les uns des autres ; et ce qui serait de nature à étonner même le chrétien, — si le chrétien ne gardait pas toujours, au fond de sa pensée, des pressentiments de solution pour tous