Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

systématisés. Comme elle savait tout dire, elle savait gêner lorsqu’on essayait de s’aventurer un peu dans sa conscience. Le secret de cette habileté consistait dans l’insaisissable difficulté de transitions qu’elle laissait éprouver entre un point de départ donné et un courant d’idées plus expansif. Sûre méthode pour n’être jamais obligé de froisser personne et de garder les dehors de l’urbanité en conservant, en soi-même, l’indifférence solitaire. Son âge la secondait un peu, du reste, dans ces sortes de réussites. L’absence d’indécision dans le regard et dans la tenue, qualité qui, généralement, spécialise les femmes de cette saison, se pressentait si magnétiquement dans sa beauté, que sa vue seule glaçait les fadeurs sur les lèvres. Elle en était même arrivée à un tel point de force intérieure, que le sourire demi-railleur, semi-paternel, que se permettent doucement, par exemple, les vieux gentilshommes vis-à-vis des femmes, — et dont le charme et la grâce éclairent subitement leurs visages, — s’était toujours troublé devant la toute simple et toute virile dignité de cette mystérieuse personne.

« Quelques êtres sont doués d’un fluide fascina-