Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/64

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blessures cachent les rayons de leur gloire ! Sisyphe se conçoit-il sans le rocher ?… Socrate, sans la ciguë ?… Prométhée, sans le vautour ?… L’égoïste dégoût et la permanente indifférence des autres hommes absorbés par le détail n’est au fond qu’une sourde envie dirigée contre eux : en creusant les mobiles de ce sentiment on finit par le comprendre et lui faire miséricorde : en est-il moins triste ? et ses conséquences pour l’homme héroïque en sont-elles moins funestes ?… Heureux donc, bienheureux ceux qui peuvent, tout en planant, cacher leur grandeur ! On ne les crucifie pas.

« Tullia Fabriana se tenait à distance, ayant tout à donner et peu de chose à recevoir dans l’assez banal commerce du monde. Ne pouvant rompre tout à fait avec lui, par sa position essentiellement mondaine, elle ne lui laissait voir que ce qu’il est strictement impossible de lui cacher. Le reste du temps, elle vivait d’elle-même et de sa pensée. Dans un entretien, c’était une nature pneumatique par laquelle l’esprit des autres personnes était rapidement retourné, compris et évalué à leur insu, en vertu d’un presque infaillible calcul de riens