Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/84

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ment, et, sous la froide assiduité, sous le calme de sa constance virile et régulière, se manifesta la lumineuse originalité de son naturel. Elle commença de lire, d’écrire, de songer… L’univers paraissait revêtu pour elle d’un aspect plus inquiétant que pour les autres filles de son âge ; mais ses paroles étaient rares, et elle n’adressait point de questions. De sauvages instincts la faisaient fuir les compagnes d’amusements que lui présentait sa mère. Toutefois, elle se retirait avec des manières si douces et de telles prévenances qu’elle ne blessait jamais.

Le vieux duc remarquait le regard froid, le maintien peu bruyant et les prédispositions surprenantes de sa fille. Il ne trouva pas à propos d’intervertir une pareille nature ; il sentait qu’il l’eût tuée et que c’eût été fini par là ! Comme c’était un homme juste devant la pensée, et comme elle ne devait pas mourir de cette manière, à ce qu’il paraît, il ne se refusa pas à favoriser le développement de cet esprit.

La pensée trouvait en elle des organes de préhension si vastes et si solides, sa mémoire était d’une puissance si merveilleuse, qu’elle parvint,