Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/151

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LE NOUVEAU-MONDE 133 Washington Les héros sont donés d’une indulgence dangereuse. (Haut, s’avançant :) Merci, frères ! — Nous venons souper avec vous, Benjamin Franklin et moi. (On élève les drapeaux ; les sentinelles présentent les armes ; on tire les épées. — Il fait un signe de la main :) Silence. (Tous deux prennent place à table. — On se rasseoit. — A Stephen :) Commandant Ashwell, j’ai à vous parler, devant tous. — Vous êtes prêt à mourir, n’est-ce pas, pour la défense de notre sol et de nos droits ? STEPHEN, surpris, relevant la tête Général, ne suis-je pas ici ? Washington, le regardant fixement Pourquoi ? Stephen , après un moment de profond étonnement. Général, tout partisan ne combat que pour l’idée qu’il a d’une cause. Celle-ci ne représente que l’ensemble des croyances qu’elle a suscitées. Le sang versé réalise, dans le flottement du drapeau, l’illusion du soldat, sans quoi tout drapeau ne serait qu’un lambeau de toile. Donc, à tout défenseur d’une cause sa libre foi ! — Comme vous j’ai la mienne, dans cette guerre. C’est pourquoi je suis ici, — comme vous ! — moins pour fonder une nation nou velle que pour ouvrir une sorte de Terre-promise à tous les proscrits de l’Humanité ! (Franklin le regarde.) C’est pourquoi cette colonne lumineuse qui, jadis, guida les milices d’Israël, apparaît, par instants, au front des nôtres, comme si nous étions, nous aussi, des prédestinés. Je crois que notre vraie mission est de servir d’exemple ! Je crois que nous combattons non-seulement pour l’Amérique, mais pour un nouveau monde ! Non-seulement pour conquérir l’indé-