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guration singulière de la dernière enceinte elliptique ; c’est une suite de segments de cercle de trois mètres de corde environ, séparés par des portions de courtine d’un mètre seulement. En plan, chacun de ces segments donne la figure suivante (12), qui présente un flanquement continu très-fort, eu égard aux armes de jet de cette époque, ainsi que l’indiquent les lignes ponctuées. En élévation, cette muraille bossuée, dont la base s’appuie sur le roc taillé à pic, est d’un aspect formidable[1] (voy. 13). Aucune meurtrière n’est ouverte dans la partie inférieure ; toute la défense était disposée au sommet[2]. Les défenses du donjon ne sont pas moins intéressantes à étudier en ce qu’elles diffèrent de toutes celles adoptées avant Richard (voy. Donjon), et qu’elles sont surtout combinées en vue d’une attaque très-rapprochée. Richard semble avoir cherché, dans la construction des défenses du château Gaillard, à se prémunir contre le travail du mineur ; c’est qu’en effet la mine et la sape étaient alors (au XIIe siècle) les moyens les plus généralement employés par des assiégeants pour faire brèche dans les murs d’une place forte, car les engins de jet n’étaient pas assez puissants pour entamer des murailles tant soit peu épaisses. On s’aperçoit que Richard, en vue de ce moyen d’attaque, a voulu flanquer avec soin la base des courtines, ne se fiant pas seulement aux escarpements naturels et à la profondeur des fossés pour arrêter l’assaillant.

  1. .......
    « Mes l’autre (la seconde enceinte) est quatre tanz plus bèle,
    « Trop sont plus bèles les entrées ;
    « Et les granz tours, dont les ventrées
    « Ens el fonz du fossé s’espandent,
    « Trop plus haut vers le ciel s’estandent.
    « ......
    « Entre les deus a grant espace,
    « Pour ce que, se l’en préist l’une,
    « L’autre à deffendre fut commune.
    « Tout amont comme en réondèce,
    « Resiet la mestre forterèce (la dernière enceinte)
    « Qui rest noblement façonnée,
    « Et de fossez environnée ;
    « Onques tiex ne feurent véuz.
    « S’un rat estoit dedanz chéuz,
    « Là seroit qui ne l’iroit querre. »

    (Guill. Guiart, vers 3 238 et suiv.)

    En effet, les fossés sont creusés à pic, et, comme le dit Guillaume, nul n’aurait pu aller chercher un rat qui serait tombé au fond.

  2. Les constructions sont dérasées aujourd’hui au niveau du point O (fig. 13) ; il est probable que des hourds ou bretèches se posaient, en cas de siège, au sommet de la partie antérieure des segments, ainsi que nous l’avons indiqué en B, afin d’enfiler les fossés, de battre leur fond et d’empêcher ainsi le mineur de s’y attacher. Nous en sommes réduits sur ce point aux conjectures.