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point D, centre de l’arc AB, une ligne DE tirée suivant un angle de 35 degrés avec l’horizon ; soit FG une tangente au point H ; soit AI l’épaisseur du mur ou de la pile ; la tangente FG rencontrera la ligne IK extérieure de la pile au point L. C’est ce point qui donne l’intrados du claveau de tête de l’arc-boutant. Cet arc est alors un quart de cercle ou un peu moins, son centre étant placé sur le prolongement de la ligne KI ou un peu en dedans de cette ligne. La charge MN de l’arc-boutant est primitivement assez arbitraire, faible au sommet M, puissante au-dessus de la culée en N, ce qui donne une inclinaison peu prononcée à la ligne du chaperon NM. Bientôt des effets se manifestèrent dans ces constructions, par suite des poussées des voûtes et malgré ces arcs-boutants ; voici pourquoi : derrière les reins des arcs et des voûtes en T, on bloquait des massifs de maçonnerie bâtarde, autant pour charger les piles que pour maintenir les reins des arcs et de leurs remplissages. Ces massifs eurent en effet l’avantage d’empêcher la brisure des arcs au point H ; mais toute la charge des remplissages agissant de K en O, et cette charge ne laissant pas d’être considérable, il en résulta un léger relèvement à la clef B, l’arc n’étant pas chargé de O en B, et par suite une déformation indiquée dans la fig. 26 bis. Cette déformation produisit une brisure au point O′, niveau supérieur des massifs, et par conséquent une poussée très-oblique O′P au-dessus de la tête des arcs-boutants. Dès lors l’équilibre était rompu. Aussi fut-il nécessaire de refaire tous les arcs-boutants des monuments gothiques primitifs quelques années après leur construction ; et alors ou on se contenta d’élever la tête de ces arcs-boutants, ou on les doubla d’un second arc (voy. Arc-boutant).

Nous ne dissimulons pas, on le voit, les fausses manœuvres de ces constructeurs ; mais, comme tous ceux qui entrent dans une voie nouvelle, ils ne pouvaient arriver au but qu’après bien des tâtonnements. Il est facile, aujourd’hui que nous avons des monuments bâtis avec savoir et soin, comme la cathédrale d’Amiens ou celle de Reims, de critiquer les tentatives des architectes de la fin du XIIe siècle ; mais à cette époque où l’on ne possédait guère que des monuments romans petits et assez mal construits, où les sciences exactes étaient à peine entrevues, la tâche nouvelle que les architectes s’imposaient était hérissée de difficultés sans cesse renaissantes, que l’on ne pouvait vaincre que par une suite d’observations faites avec le plus grand soin. Ce sont ces observations qui formèrent les constructeurs si habiles des XIIe et XIVe siècles. Il faut dire, à la louange des architectes du XIIe siècle, qu’ayant adopté un principe de construction neuf, sans précédents, ils en poursuivirent les développements avec une ténacité, une persévérance rares, sans jeter un regard en arrière, malgré les obstacles et les difficultés qui surgissaient à chaque épreuve. Leur ténacité est d’autant plus honorable qu’ils ne pouvaient prévoir, en adoptant le principe de construction des voûtes gothiques, les conséquences qui découlaient naturellement de ce système. Ils agirent comme le font les hommes mus par une forte conviction, ils ouvrirent, pour leurs successeurs, une