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voie large et sûre, dans laquelle l’Europe occidentale marcha sans obstacles pendant trois siècles. Toute conception humaine est entachée de quelqu’erreur, et le vrai immuable, en toute chose, est encore à trouver ; chaque découverte porte dans son sein, en voyant le jour, la cause de sa ruine ; et l’homme n’a pas plus tôt admis un principe, qu’il en reconnaît l’imperfection, le vice ; ses efforts tendent à combattre les défauts inhérents à ce principe.

Or, de toutes les conceptions de l’esprit humain, la construction des édifices est une de celles qui se trouvent en présence des difficultés les plus sérieuses, en ce qu’elles sont de natures opposées, les unes matérielles, les autres morales. En effet, non-seulement le constructeur doit chercher à donner aux matériaux qu’il emploie la forme la plus convenable, suivant leur nature propre ; il doit combiner leur assemblage de manière à résister à des forces diverses, à des agents étrangers ; mais encore il est obligé de se soumettre aux ressources dont il peut disposer, de satisfaire à des besoins moraux, de se conformer aux goûts et aux habitudes de ceux pour lesquels il construit. Il y a les difficultés de conception, les efforts de l’intelligence de l’artiste ; il y a encore les moyens d’exécution dont le constructeur ne saurait s’affranchir. Pendant toute la période romane, les architectes avaient fait de vaines tentatives pour concilier deux principes qui semblaient inconciliables, savoir : la ténuité des points d’appui verticaux, l’économie de la matière et l’emploi de la voûte romaine plus ou moins altérée. Quelques provinces avaient, par suite d’influences étrangères à l’esprit occidental, adopté la construction byzantine pure.

À Périgueux on construisait, dès la fin du Xe siècle, l’église de Saint-Front ; de cet exemple isolé était sortie une école. Mais il faut reconnaître que ce genre de bâtisse était étranger à l’esprit nouveau des populations occidentales, et les constructeurs de Saint-Front de Périgueux élevèrent cette église comme pourraient le faire des mouleurs reproduisant des formes dont ils ne comprennent pas la contexture. Ainsi, par exemple, les pendentifs qui supportent les calottes de Saint-Front sont appareillés au moyen d’assises posées en encorbellement, dont les lits ne sont pas normaux à la courbe, mais sont horizontaux ; si ces pendentifs ne tombent pas en dedans, c’est qu’ils sont maintenus par les mortiers et adhèrent aux massifs devant lesquels ils moulent leur concavité. Dans de semblables bâtisses, on ne voit autre chose qu’une tentative faite pour reproduire des formes dont les constructeurs ne comprennent pas la raison géométrique. D’ailleurs, ignorance complète, expédients pitoyables, appliqués tant bien que mal au moment où se présente une difficulté ; mais nulle prévision.

Il est une grande quantité de constructions romanes qui indiquent, de la part des architectes, un défaut complet de prévoyance. Tel monument est commencé avec l’idée vague de le terminer d’une certaine façon, qui reste à moitié chemin, le constructeur ne sachant comment résoudre les