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[jubé]
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jointives, comme le faisaient les Grecs et même les Romains lorsqu’ils employaient le grand appareil, mieux vaut un joint épais qu’un joint mince, le mortier ne se conservant qu’à la condition de former un volume assez considérable. Les plus mauvais joints sont les joints coulés soit en mortier, soit en plâtre. L’eau s’évaporant ou étant absorbée par la pierre, le coulis subit un retrait, et il reste des vides dans lesquels vient se loger la poussière qui engendre des végétaux. La seule méthode à employer quand on élève des constructions en pierre, c’est de poser les pierres à la louve et à bain de mortier ; le fichage est quelquefois commandé, comme, par exemple, dans les reprises en sous-œuvre ; mais il demande à être fait avec un soin extrême. Dans ce cas, dès que le mortier fiché commence à prendre, il faut le bourrer avec des palettes de fer jusqu’au refus ; puis on rejointoie quelque temps après jusqu’à une profondeur de cinq à six centimètres. Bien entendu, ce que nous disons ici s’applique encore plus aux lits qu’aux joints.

Les architectes du moyen âge ont souvent simulé des joints en peinture dans les intérieurs, soit en rouge sur fond blanc ou jaune, soit en blanc sur fond ocre (voy. Peinture).

JUBÉ, s. m. Ambon, lectrier, doxale, pupitre. Le jubé appartient à la primitive Église ; c’était alors une tribune élevée placée en bas du chœur, entre celui-ci et les fidèles répandus dans la nef. Du haut de cette tribune se faisaient les leçons tirées des épîtres ou des évangiles, et même des prédications. Prudence rapporte que l’évêque instruisait le peuple du haut du jubé[1]. Grégoire de Tours décrit le jubé de l’église de Saint-Cyprien[2]. Le pape Martin Ier fit lire les canons du concile de Latran du haut du jubé de cette basilique. Les capitulaires de Charlemagne ordonnent d’y lire les règlements du prince. On chantait aussi, au jubé, l’Alleluia, les proses ou séquences ; mais cet usage ne fut pas conservé. Du temps de Guillaume Durand, on chantait déjà in plano, et on ne montait au jubé que les jours de grandes fêtes pour dire les leçons.

Ce n’est pas ici le lieu de chercher à décrire les diverses sortes de jubés qui existaient dans les églises d’Orient et d’Occident pendant les premiers siècles ; il est certain que l’ambon de l’Église grecque et de l’Église latine, jusqu’au XIVe siècle, n’était point du tout, comme forme, ce que nous entendons aujourd’hui par jubé. Les ambons de Saint-Vital de Ravenne, de Saint-Marc de Venise, de Saint-Laurent-hors-les-murs à Rome, de Saint-Ambroise de Milan, de la cathédrale de Sienne, de l’église de San-Miniato à Florence, sont plutôt de vastes chaires pouvant contenir plusieurs personnes que des jubés comme ceux de nos églises occidentales qui, à dater du XIIe siècle au moins, forment une séparation, une sorte de galerie relevée entre le haut de la nef et le bas du chœur. Dans les

  1. Hymne de saint Hippolyte.
  2. L. I, Mirac., ch. XLIV.