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VIE PRIVÉE DE LA HAUTE BOURGEOISIE.

ces soins infinis, de ces habitudes de bien-être, de ces menus détails, qui appartiennent à une société très-raffinée. Nous allons essayer de résumer les passages de ce traité qui se rapportent à notre sujet. Notre auteur recommande à sa femme de prendre soin de son mari, dans la crainte qu’il ne s’éloigne d’elle. Les hommes, dit-il, doivent s’occuper des affaires du dehors ; c’est aux femmes à avoir cure de la maison. Le mari ne craindra ni le froid, ni la pluie, ni la grêle, ni les mauvais gîtes, s’il sait au retour trouver ses aises, « estre deschaux à bon feu, estre lavé des pies, avoir chausses et soulers frais, bien peu (repu), bien abreuvé, bien servi, bien seignouri (traité en maître), bien couchié en blans draps, et cueuvrechiefs blans, bien couvert de bonnes fourrures… » Trois choses, dit-il, « chassent le preudhomme de son logis : c’est assavoir maison découverte, cheminée fumeuse et femme rioteuse… Gardez en yver qu’il ait bon feu sans fumée, et entre vos mamelles bien couchié, bien couvert, et illec l’ensorcellez. Et en esté gardez que en vostre chambre ne en vostre lit n’ait nulles puces, ce que vous povez faire en six manières, si comme j’ay oy dire… » Plus loin, il recommande à sa femme de se garantir des cousins (cincenelles) au moyen de moustiquaires (cincenelliers), des mouches, en prenant certaines précautions encore en usage de nos jours[1]. L’auteur parle de chambres dont les fenêtres doivent être bien closes de toile cirée ou autre, ou de parchemin ou autre chose. » On pourrait croire, d’après ce passage, que les châssis de fenêtres des habitations bourgeoises, au xve siècle, n’étaient fermés que par de la toile cirée, du parchemin ou du papier huilé[2] mais cependant on employait depuis longtemps le verre à vitres, et l’on en trouve des traces nombreuses dans les constructions mêmes des xive et xve siècles, et des représentations dans les peintures et les vignettes des manuscrits. Nous pensons que ces toiles cirées, parchemins, etc., s’appliquaient bien plutôt sur les volets dont on laissait une partie découpée à jour. Cette précaution était d’autant plus utile pour se garantir du froid, du soleil et des mouches, que les verres à vitres, n’étaient alors, dans les habitations, que des boudines, c’est-à-dire de petits culots de verre circulaires réunis par un réseau de plomb. L’air devait passer entre ces pièces de verre, et le soleil, traversant ces lentilles, eût été insupportable si l’on n’eût tempéré son éclat par des châssis tendus de toile ou de parchemin.

  1. Tome I, art. vii, p. 169 et suiv.
  2. Voyez la note, tom. I, p. 173, le Ménagier.