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VIE PRIVÉE DE LA HAUTE BOURGEOISIE.

Plus loin[1] il est fait mention des soins donnés aux chevaux revenant de longue course et aux chiens revenant de chasse. Les chevaux sont déferrés et couchés (mis au bas) ; « ils sont emmiellés, ils ont foing trié et avoine criblée… Aux chiens qui viennent des bois et de la chasse fait-l’en lictiere devant leur maistre, et luy même leur faict lictiere blanche devant son feu ; l’en leur oint de sain doulx leurs piés au feu, l’en leur fait souppes, et sont aisiés par pitié de leur travail… »

Les bourgeois des villes, n’avaient pas autour d’eux les ressources que possédait le châtelain pour se faire servir ; ils n’avaient pas de paysans corvéables et étaient obligés de prendre des valets à gage. Dans le Roman du roi Guillaume d’Angleterre[2] le héros, fugitif, se voit forcé de se mettre en service chez un bourgeois, auquel il se présente sous le nom de Gui :

« Or me dit (le bourgeois), Gui, que sès-tu faire ?
Saras-tu l’eue del puc traire[3],
Et mes anguilles escorcier ?
Saras-tu mes cevax torcier[4] ?
Saras-tu mes oisiax larder ?
Saras-tu ma maison garder ?
Se tu le sès bien faire nete
Et tu sès mener me carete,
Dont deserviras-tu molt bien
Çou que jou donrai del mien.
— Sire, fait Gui, je ne refus
Tou çou à faire et encor plus :
Jà de faire vostre servisse
Ne troverés en moi faintise. —
En liu de garçon sert li rois
Molt volentiers chiés le borgois,
Ne ja par lui n’iert refusée
Cose qui lui soit commandée. »

Un valet chez un bourgeois, au xiiie siècle, remplissait ainsi l’office de cuisinier, de palefrenier, de cocher, de majordome, de portier, d’homme de peine. Il faut dire qu’alors les maisons de ces bourgeois étaient petites et qu’elles ne contenaient que deux ou

  1. Tome I, p. 175.
  2. Chron. anglo-normandes, Recueil d’extraits et d’écrits relat. à l’hist. de Normandie et d’Angleterre. Publ. par Francisque Michel, t. III, p. 79.
  3. Tirer l’eau du puits.
  4. Panser mes chevaux.