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Il semble donc bien établi qu’au cours des siècles la notion de vie se transforme avec les besoins nationaux et les exigences sociales. Une acclimatation sans cesse renouvelée des œuvres au milieu s’impose. Concluons-en que si toute révolution littéraire part de la nature nécessaire, tout le monde n’entend pas le mot dans le même sens et que ce sens va s’élargissant à mesure qu’il se transforme.

Pourquoi ? D’abord parce que l’art, reflet de la société, puise sa lumière dans les institutions et les mœurs ambiantes. « L’œuvre d’art, déclare Taine, est déterminée par un ensemble qui est l’état général de l’esprit et des mœurs environnantes »[1]. Nous évoluons en durant et une atmosphère sociale irrespirée, des instincts de civilisés tout neufs entraînent fatalement des changements dans notre manière de sentir et créent des états d’âme nouveaux. D’étroites corrélations, objet de la statique sociale dans le système de Comte, soudent une époque à chacune de ses manifestations intellectuelles et morales, rayons issus d’un même centre. Des échanges, des

    est clair, comme j’ai tendu à le montrer au début de cette étude, qu’il existe un fond permanent grâce auquel l’Iliade, la Divine Comédie, Andromaque, demeureront toujours actuelles. Ceci admis, il n’est pas défendu de chercher, — et c’est là le problème, — en quelle mesure nos idées d’art évoluent en même temps que notre concept de nature.

  1. Taine, Philosophie de l’art, t. I, p. 49.