Page:Vivien - Une femme m’apparut, 1904.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
UNE FEMME M’APPARUT…

Dédaigneuse, elle se tourna vers moi.

« Sais-tu pourquoi je me plais dans la compagnie de cet aimable gentilhomme que tu appelles ridiculement le Prostitué ? Parce qu’il a prononcé l’autre jour ce mot exquis : « Moi, mademoiselle, je ne lis jamais. » Si j’avais en moi la possibilité d’aimer, je lui aurais voué une passion profonde pour ce mot, jailli de sa bienfaisante ignorance comme d’une source très claire.

— Pourquoi écrivez-vous, San Giovanni ? » m’étonnai-je. « Cette faiblesse m’afflige chez un être aussi intelligent que vous. Passe-temps comme un autre, et supérieur à l’art de massacrer des mouches, mais divertissement sans grâce, vous le reconnaissez vous-même.

— Je ne sais quelle puissance occulte m’acharne à cette œuvre vaine de lasser mes lecteurs et de me dégoûter moi-même, » soupira-t-elle. « Je suis la proie d’une habitude néfaste, comme l’ivrogne et le morphinomane. Quel philanthrope fondra une maison de santé où les littérateurs incurables se pourront guérir de leur hideuse maladie, à force d’hygiène, de re-