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UNE FEMME M’APPARUT…

ta présence, tu peux m’exiler de ta grâce cruelle, mais tu n’effaceras jamais l’incomparable souvenir que j’ai mis à l’abri des métamorphoses de l’existence. Car on n’efface jamais la brûlure profonde du premier amour. »

Elle ne m’écoutait plus. Une colère glaciale brillait dans ses prunelles pâlement bleues comme un fleuve du Nord.

« Ta présence m’est devenue odieuse, » dit-elle de cette voix mesurée des juges qui prononcent une sentence capitale. « Tu es sur mon chemin l’ombre qui obscurcit les rayons et qui endeuille les roses. Ton âcre tristesse m’exaspère indiciblement. L’amertume de ton caractère te rend abominable. Tu es une âme de colère et de haine. Tu t’obstines à ne me voir que sous l’aspect le moins beau. Tout ce que je possède de fier et de noble est resté ignoré de toi. Ta mesquine jalousie ne pouvait s’élever au-dessus des faits et des apparences. Va, je préférerais n’importe quelle inimitié loyale à l’hypocrisie de ton amour. Va ! » ordonna-t-elle, de sa voix d’acier.