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UNE FEMME M’APPARUT…

t-elle. « Le monde est semblable à un dragon qui ne s’assoupit jamais, au dragon cruel des contes de fées. Ah ! qui nous défendra de la haine de l’univers ? Nous sommes deux enfants, lui et moi, deux petits enfants perdus dans la forêt ténébreuse. »

La pluie tombait, plus douce qu’une musique atténuée. La pluie isolait nos inquiétudes, tel un rideau déployé. Elle nous séparait du monde et des êtres. Elle bruissait, comme la soie des longues traînes.

« Je ne sais pourquoi, » dis-je, afin de voiler par de vaines paroles la tourmente de mon âme, « la pluie me rappelle les vagues lointaines.

— Les vagues… » murmura Dagmar, « et les galets… Il me semble voir les marées jeter vers nous des fleurs d’argent et des fleurs glauques…

— Dagmar, » sanglotai-je, « enfant divinement perverse et candide, se peut-il que nos routes se séparent à tout jamais ?

— Nous n’avons cueilli ensemble que les roses pâles de l’amitié, » répondit-elle.

Lentement, elle se leva.