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UNE FEMME M’APPARUT…

Sur la cheminée pâlissaient, auprès du portrait d’Ione, des violettes blanches.

« J’ai une nouvelle surprenante à t’annoncer, » me dit Éva, de sa voix très basse et comme recueillie. « Cette vieille pendule normande que tu as installée dans la salle à manger s’est si bien acclimatée parmi les meubles Queen Anne, que je l’ai entendue tout à l’heure prononcer très distinctement :

One, two, three, four, five, six, seven, eight.

« Elle a très vite appris l’anglais, n’est-ce pas ?

— Les meubles ont des sympathies et des antipathies obscures, » corroborai-je. « Une de mes amies assure qu’elle a chez elle un siège hostile à tout usurpateur. Il serait impossible à quelqu’un d’autre qu’elle de rester dix minutes dans ce fauteuil. La sourde inimitié qui s’en dégage repousse inconsciemment.

— La chose est peut-être vraie. Ce qui m’attriste un peu, c’est que ces meubles, que nous avons aimés et qui se sont imprégnés d’un peu de nous-mêmes, se déprendront de nous, et