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UNE FEMME M’APPARUT…

compagne aux beaux sourcils, qui me donna candidement sa tendresse ignorante. Je résolus de m’enfuir plus tard avec elle, lorsque, toutes deux, nous aurions atteint l’âge respectable de la liberté. Je rêvai de me travestir en homme, afin de la pouvoir épouser. Mais à cette chimère d’une existence étroitement unie ne se mêlait aucune image charnelle. J’évoquais uniquement la paix des heures fondues l’une dans l’autre, ainsi que des couleurs harmonieuses.

« Longtemps, l’ardeur de la piété me brûla. Longtemps, comme Ione, je redoutai l’Inconnaissable. Aujourd’hui, je me plais dans la grandeur triste de l’Incertitude…

« J’étais peut-être créée pour l’apostolat, » regretta-t-elle après une pause. « J’aurais voulu fonder une religion ou retrouver un culte très ancien et très obscurément sage, — le culte primitif de la Déesse-Mère qui jadis conçut l’Espace et enfanta l’Éternité. Je n’ai point l’âme d’une amoureuse, malgré la colère sensuelle de mes poèmes. J’ai l’âme d’une moniale qui,