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UNE FEMME M’APPARUT…

« Plus tard, » répondis-je évasivement, « je viendrai plus tard, Ione. Pour le moment, je ne puis m’arracher à mes occupations. »

Je n’osai regarder mon amie. Il y eut entre nous deux un si vaste silence qu’il semblait s’étendre jusqu’à l’éternité.

« Tu me promets de venir ? » dit enfin la pâle Ione. « Tu me promets de venir plus tard ? »

L’angoisse que je devinai dans sa voix me fit soudain frissonner. Je mentis résolument.

« Je te le promets, ma chérie.

— Pèse bien tes paroles. Il y a parfois une très ironique Divinité qui oblige à l’accomplissement des promesses faites sans intention de les tenir. »

Cette phrase légère tombait dans les ténèbres lumineuses comme une prophétie.

Je pris les mains froides d’Ione. La désolation indicible qui s’appesantissait sur elle me courbait lourdement à mon tour. Nous restâmes côte à côte, et la mélancolique torpeur qui nous enveloppait embrumait nos pensées incertaines.