Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/100

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Tu as vu, effendi, le vent de l’Archipel jouer au printemps avec les plumes noires des grèbes, perdues à la vague. J’ai idée qu’il jouait de même avec mon sort. Il me porta à Rhodes : l’Autrichien, s’étant défait dans l’île de son chargement, décida d’y attendre la moisson avant d’aller en Syrie. J’étais sans ressources, je ne savais aucun état. Il fallait trouver du pain ; je me louai à un patron de Cymî, tu sais, la petite île où l’on pêche les éponges, entre Rhodes et la côte ? ― Il m’employa au dur métier de plongeur. J’appris à y vivre au fond de la mer, à vivre plusieurs minutes sans respirer, et à choisir dans la clarté trouble des profondeurs les belles éponges qui percent le sable. Je travaillai ainsi plusieurs mois pour amasser de quoi retourner dans mon pays. Quand j’eus mis dans ma ceinture une centaine de piastres, je dis adieu au patron et pris place un matin dans le caïque qui portait notre récolte de la semaine aux marchands de Rhodes. Celui-là encore ne devait pas me mener