Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/101

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au port, et ce fut un vent plus rapide et plus puissant que le vent de mer qui cette fois changea ma route. Comme nous doublions la pointe et le village de Stavro, où sont les meilleures pêcheries de Cymî, les bateliers atterrirent pour puiser de l’eau à la fontaine sous les figuiers. Je montai jusqu’à un champ de pastèques pour en acheter une couple ; n’ayant trouvé personne, je m’endormis de lassitude au pied d’un platane. C’était un lourd midi de juillet, la vague chaude comme une lame de plomb fondu nous renvoyait le soleil depuis l’aube.

Je n’avais guère dormi quand je fus éveillé par une voix d’enfant : elle chantait la chanson que tu as dû entendre, la nuit, quand passent à la côte les pêcheurs des îles.

 
Dans le courant de ma vie,
Pourquoi t’ai-je rencontrée ?
Puisque tu n’étais pas pour moi,
Pourquoi t’ai-je regardée ?...
(Chanson romaïque des Îles.)


En me voyant l’écouter, la chanteuse qui puisait de l’eau se leva et vint à moi, un quartier de pastèque à la main, un grand sourire au front. C’était une fille de la mer, éclatante et dorée comme les roches de Cymî au feu de l’été, souple et gracieuse comme la voile au mât, semblant de même portée dans sa marche par le vent. Ses grands yeux brillaient d’une lumière verte comme celle qui éclaire les eaux profondes où je travaillais. Sur ses