Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/126

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leur associé ou leur domestique, qui porte les sacs sur son mulet, et qu’ils vont ainsi par les forêts et les montagnes, couchant sous le ciel, vivant comme de vrais Bédouins du Haurân. L’étranger me confia qu’il était fort embarrassé de remplacer son aide, un Maronite d’Edhen, qui avait péri dans la boucherie de Damas. Apprenant ma détresse et voyant que j’étais entendu dans le commerce qu’il faisait, il me proposa de m’associer à lui. J’acceptai ce que le ciel m’envoyait pour sortir de peine : trois jours après nous quittions Hamah pour traverser toute l’Anatolie et nous rendre au Caucase. Le graineur, pensant qu’il n’y avait rien à faire cette année dans la malheureuse Syrie, avait résolu d’aller travailler en Arménie et dans le pays de Tiflis.

Mon nouveau maître était un homme actif, bon un peu triste. Il me parut, à ce qu’il disait, qu’il avait dû quitter sa patrie depuis dix années, à la suite de quelques événements politiques. Le soir, quand nous descendions de cheval à l’étape, il tirait de sa sacoche de petits livres dans la langue de son pays et lisait fort tard. Parfois il m’expliquait en turc, ne sachant pas le romaïque, ce qu’ils contenaient : j’ai appris bien des choses avec lui, plus même qu’autrefois en écoutant le sage Ibrahim. Il savait comment vivent les plantes et la raison de beaucoup d’actions humaines ; il connaissait des secrets pour guérir les malades ; aussi étions-nous