Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/125

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tte terreur subite, riant bruyamment aux flammes qui les entouraient ; c’était l’horreur de l’enfer vue par les vivants. Affolé comme tout le monde, je gardai pourtant assez de raison pour gagner les bois, au lieu d’aller me jeter, comme tant d’autres le firent, sous le yatagan des bourreaux. J’échappai ainsi sans blessures ; mais, dans cette nuit de malheur, tout ce que je possédais fut consumé aussi vite que vient de l’être cette feuille de tabac dans mon calioun. Les chemins se rouvraient devant moi, vides, sans but et sans pain. Je pris par le nord et quittai rapidement la montagne, où les scènes de Hasbeya se renouvelaient dans chaque village : je ne m’arrêtai qu’à Hamah, le pays étant resté paisible de ce côté.

Comme j’étais assis à la porte de la ville, entre les moulins qui travaillent à grand bruit sur le Nahr-el-Asy, je vis arriver un cavalier qui descendit près de moi pour se laver à la rivière et revêtir de beaux habits, ainsi que font les voyageurs qui viennent de loin avant d’entrer dans les villes. Je le reconnus pour un Franc sous le costume d’Anatolie qu’il portait ; il me salua honnêtement, et nous allâmes prendre le café ensemble sous le sycomore. C’était un de ces graineurs, comme on les appelle, qui parcourent sans cesse nos contrées du Liban au Caucase, pour chercher de bonnes graines de vers à soie et les envoyer en Europe. Tu sais qu’ils voyagent ordinairement avec un homme du pays,