Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/70

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Aux heures où l’on se retourne vers les jours disparus, bien des souvenirs se lèvent pour moi des routes d’Asie ; un des plus vivants peut-être est celui de mon entrée à Nicée, par une nuit du mois de juin 1872. La route est longue, qui mène de la vallée du Sangarios, par le col du Meurtre, dans le bassin du lac d’Isnik : c’est le nom donné par les Turcs à la vieille cité byzantine et à son lac. Nous nous étions attardés à l’étape : la nuit nous prit tout en haut des pentes qui vont s’évasant jusqu’à la plage, ― une nuit de printemps mélodieuse et tiède, tressaillant d’énergies sourdes qu’ignorent celles de nos pays, une nuit où l’on sentait vivre les choses et les êtres d’une vie si ardente, si enivrée, que la mort et la peine semblaient bannies d’un monde plus heureux. ― Le petit chemin douteux se perdait dans les méandres des marécages qui continuent le lac ; des myriades de lucioles promenaient des essaims de flammes dans les roseaux, d’où montaient les chansons nocturnes