Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/90

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enfants. Comme il commençait, se tournant vers nous, le discours de Juda exhortant ses soldats à mourir, la porte de fer gémit, éventrée par un boulet. Les pièces turques, arrivées sur la place, se mirent à gronder toutes ensemble et à battre notre barricade. Quand elle fut démolie pièce à pièce, les janissaires se précipitèrent dans l’église, où nous les reçûmes sur nos couteaux ; mais il en entrait toujours là où les nôtres en tombant laissaient une place vide ; quand nous ne fûmes plus qu’une vingtaine, nous nous retirâmes derrière l’iconostase, notre dernier abri. Le soleil levant descendait là par les grandes fenêtres sur les femmes agenouillées. Au milieu d’elles, le vieil archimandrite, revêtu de ses beaux ornements de Pâques, promenait le corps du Seigneur sur la foule et disait le cantique de l’élévation. Les derniers palikares avaient succombé qu’il chantait encore, comme si sa chasuble eût été une cuirasse miraculeuse. Alors le pacha apparut à cheval dans le lambrapili, ajusta le prêtre de son pistolet et fit feu. Le vieillard s’abattit sur l’autel en serrant le calice, et le sang du Sauveur se mêla au sien dans sa longue barbe blanche. ― A ce moment, resté presque seul, blessé et épuisé, je me jetai dans la porte d’une petite chapelle et m’évadai par le derrière de l’église.

Je m’enfuis au hasard entre les maisons en feu, qui projetaient leurs poutres calcinées dans la