Page:Vogüé - Histoire orientales, 1880.djvu/89

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brûlaient. Un immense rideau de flammes fermait l’horizon et entourait la masse noire du Taygète : la tête de neige du mont brillait là-haut dans la fumée rougeâtre. Ce feu de l’enfer vomissait des milliers de démons, les spahis de Kurchid ; il y en avait tant que le galop de leurs chevaux ébranlait la plaine, avec le roulement sourd qui précède les grands tremblements de terre dans la campagne d’Antioche. Les janissaires et les canons suivaient la cavalerie, et je crois que toute l’armée du pacha se jetait sur Vrachori, cette nuit.

Kolokotroni était parti la veille pour une expédition dans le Magne, nous étions bien restés deux cents à garder le village ; avant que nous fussions réunis, les spahis débouchaient à bride abattue sur la place. Alors nous courûmes à l’église, la seule maison assez forte pour nous y défendre. Elle était déjà pleine de femmes et d’enfants : le papas et l’archimandrite de Tripolitza, réfugié à Vrachori, bénissaient tout le pauvre monde qui allait mourir. On barricada solidement la porte avec les autels, on fit retirer les femmes derrière l’iconostase, et nous attendîmes les Turcs, qui trouvèrent là à qui parler. Quand ils virent que nos balles rendaient trop meurtrière l’approche des fenêtres, ils allèrent chercher leurs canons, attardés au pied de la colline. Durant cette trêve, l’archimandrite monta en chaire avec le livre des Macchabées et lut au peuple le martyre des sept