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CHAPITRE XII.

et le commerce répandait l’abondance. Vous étiez des brigands ligués, mais entre vous, vous étiez justes : vous subjuguiez les peuples, mais vous ne les opprimiez pas. Vexés par leurs princes, ils préféraient d’être vos tributaires. Que m’importe, disait le chrétien, que mon maître aime ou brise les images, pourvu qu’il me rende justice ? Dieu jugera sa doctrine aux cieux.

« Vous étiez sobres et endurcis ; vos ennemis étaient énervés et lâches : vous étiez savants dans l’art des combats, vos ennemis en avaient perdu les principes : vos chefs étaient expérimentés, vos soldats aguerris, dociles : le butin excitait l’ardeur ; la bravoure était récompensée ; la lâcheté, l’indiscipline punies ; et tous les ressorts du cœur humain étaient en activité : ainsi vous vainquîtes cent nations, et d’une foule de royaumes conquis vous fondâtes un immense empire.

« Mais d’autres mœurs ont succédé ; et dans les revers qui les accompagnent, ce sont encore les lois de la nature qui agissent. Après avoir dévoré vos ennemis, votre cupidité, toujours allumée, a réagi sur son propre foyer et, concentrée dans votre sein, elle vous a dévorés vous-mêmes. Devenus riches, vous vous êtes divisés pour le partage et la jouissance ; et le désordre s’est introduit dans toutes les classes de votre société. Le sultan, enivré de sa grandeur, a méconnu l’objet de ses fonctions ; et tous les vices du pouvoir arbitraire se