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LES RUINES.

sont développés. Ne rencontrant jamais d’obstacles à ses goûts, il est devenu un être dépravé ; homme faible et orgueilleux, il a repoussé de lui le peuple, et la voix du peuple ne l’a plus instruit et guidé. Ignorant, et pourtant flatté, il a négligé toute instruction, toute étude, et il est tombé dans l’incapacité ; devenu inepte aux affaires, il en a jeté le fardeau sur des mercenaires, et les mercenaires l’ont trompé. Pour satisfaire leurs propres passions, ils ont simulé, étendu les siennes ; ils ont agrandi ses besoins, et son luxe énorme a tout consumé ; il ne lui a plus suffi de la table frugale, des vêtements modestes, de l’habitation simple de ses aïeux ; pour satisfaire à son faste, il a fallu épuiser la mer et la terre ; faire venir du pôle les plus rares fourrures, de l’équateur, les plus chers tissus ; il a dévoré, dans un mets, l’impôt d’une ville ; dans l’entretien d’un jour le revenu d’une province. Il s’est investi d’une armée de femmes, d’eunuques, de satellites. On lui a dit que la vertu des rois était la libéralité, la magnificence ; et les trésors des peuples ont été livrés aux mains des adulateurs. À l’imitation du maître, les esclaves ont aussi voulu avoir des maisons superbes, des meubles d’un travail exquis, des tapis brodés à grands frais, des vases d’or et d’argent pour les plus vils usages, et toutes les richesses de l’empire se sont englouties dans le Seraï.

« Pour suffire à ce luxe effréné, les esclaves et